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Le Blog de Cristau de Hauguernes
3 novembre 2015

De l'impact des météores sur les pousses de cèpes...

Cèpe de Bordeaux crème caramel après l'averse...

Adishatz,

L'eau, c'est bien connu, est un élément indispensable à la vie. Dans le règne fongique c'est si vrai que sans eau rien ne pousse, et cet automne 2015 l'illustre pleinement. Nos anciens n'ont pas attendu la mycologie en tant que science pour valider l'importance des météores, au sens large du terme (pluie mais aussi grêle et neige), quelques jours auparavant mais aussi très en amont de la survenue des champignons et en tout premier lieu des cèpes. Ces observations rudimentaires ancestrales ont servi de terreau à de nombreuses théories plus ou moins recevables où la superstition et certains penchants de l'âme terrienne prennent toute leur part. Alors que les vacances des cèpes s'éternisent prenons le temps de demêler le vrai du faux et de mettre à jour les connaissances de chacun sur ce thème crucial et passionnant...

La neige, un rôle indéfinissable et peu sensible ?

Très en amont de la saison des cèpes, de novembre à mars, rarement lors de giboulées en avril, une partie de l'eau qui se déverse sur nos écosystèmes le fait sous forme de neige. La neige a donné naissance à une théorie ou croyance vivace mais dans tous les cas très difficilement vérifiable. Les hivers neigeux favoriseraient de belles saisons de champignons et tout particulièrement de cèpes car la neige apporterait de l'azote aux sols. Sur la foi de mes observations méréorologiques trentenaires, loin de pouvoir réfuter catégoriquement cette superstition, je me limiterai à la contester par des exemples concrets. Même si d'autres paramètres seraient à prendre en compte, force est de constater que des hivers simplement (très) neigeux comme 1987-1988, 1991-1992 ou encore 2003-2004, n'ont été suivis que de piètres ou médiocres saisons de cèpes. Il ressort de mes données que des hivers plus froids et (très) neigeux (1984-1985, 1986-1987, 2002-2003, 2011-2012, 2014-2015) ont été suivis de saisons bien plus productives voire exceptionnelles. C'est aussi le cas d'hivers plus froids mais très peu neigeux (1985-1986, 2004-2005, 2005-2006, 2010-2011, ...) Nous avons donc de bonnes raisons de penser que le froid, le gel sévère et prolongé, seraient des facteurs au moins aussi importants que la seule neige dans la vigueur d'une saison de champignons...

La grêle, entre superstition, éxagération et réalité...

Bien plus que la neige, le cas de la grêle, celle qui survient lors des gros orages des beaux jours, a donné libre cours à de nombreuses théories et croyances. Pour l'essentiel, les tenants de la culture empirique et héritiers de l'âme paysanne profondément enfouie dans l'inconscient collectif de ce pays, promettent l'abondance fongique là où de fortes chutes de grêle ont sévi. Pour tenter d'habiller scientifiquement leur prophétie certains mettent en avant le fait que la grêle serait porteuse d'un supplément d'azote dont les cèpes seraient friands, car elle se forme à une altitude où l'atmosphère concentre davantage ce gaz. Attribuer de fortes pousses localisées de cèpes à la seule grêle, c'est oublier un peu vite qu'un orage de grêle est en général et avant tout générateur de très fortes pluies. Laquelle prend aussi toute sa part dans la production des cèpes. L'impact de la grêle semble donc d'autant plus difficile à quantifier qu'il faudrait commencer par l'isoler de celui de la pluie. En ce qui me concerne, des décennies d'observations météorologiques et fongiques sur mon terroir, ainsi certaines sylves du département, m'inclinent à être beaucoup moins enthousiaste et catégorique sur cette question : certains orages de grêle (et de fortes pluies associées) ont pu générer des pousses de cèpes significatives dans mes coteaux salisiens comme celui du 13 juillet 1983. D'autres ont produit quelques cèpes à l'unité, comme l'orage apocalyptique du 10 juin 1998. De même en montagne plus récemment, mes sorties dans des secteurs fortement grêlés moins de 15 jours auparavant n'ont jamais été couronnées de cueillettes mirifiques, tout au plus étaient-elles copieuses. C'est dire si le rôle de la grêle gagnerait à être relativisé et affiné. La vivacité de cette croyance tient aussi au fait qu'elle est sous-tendue par cette vieille morale ancestrale profondément ancrée dans le monde rural : "à toute chose malheur est bon..." En vertu de quoi nos anciens se consolaient de l'infortune qui les frappait ou s'abattait sur les fermes ou les villages voisins en se disant que c'était un mal pour un bien.

La pluie, une valeur sûre pour un rôle complexe et minutieux...

La pluie est, et de très loin, le principal fournisseur en eau de nos écosystèmes. Son abondance ou sa rareté en font le facteur déterminant de nos saisons fongiques. Indépendamment des humeurs du mycélium, à l'instar de cet automne 2015, sans pluie, rien ne pousse vraiment.

Si le rôle de la pluie n'est plus à démontrer il est également assorti d'idées fausses et de superstitions qu'il convient de démonter et ses effets réels dans le cycle des cèpes méritent d'être examinés et précisés à la lumières des connaissances actuelles...

Sachez tout d'abord qu'il est inutile de vous ruer dans les bois s'il a plu la veille quoi qu'on vous en dise. En précisant que les délais varient en fonction des terroirs, des types de sols, de l'altitude, des saisons et d'autres facteurs plus complexes, il faut patienter 8 jours (rarement 7) pour voir poindre des bébés cèpes, une bonne dizaine pour admirer de jolis bouchons et c'est au delà de 12 jours que l'on cueille majoritairement des cèpes adultes après un arrosage significatif. Le cèpe ne naît donc pas toujours de la dernière pluie. Toutefois, il ressort de mes données météorologiques et fongiques abondées par les observations de confrères que la dernière pluie serait capable dans certains cas de réactiver une pousse moribonde et en voie d'avortement générée par des précipitations plus anciennes. À l'instar du début du mois de juillet 2011 cette configuration se produit notamment en été lorsque de fortes chaleurs doublées d'un fort assèchement de l'air et du sol prennent de court le mycélium dans la formation de ses cèpes.

Après une (très) longue période de sécheresse, surtout lorsque les températures ont été élevées, il arrive que le délai d'attente soit plus long car les premières pluies, si elles sont suffisantes ,ont essentiellement l'heur de réactiver le mycélium entré en dormance. Deux bonnes semaines ne sont alors pas de trop. C'est également au sortir d'une (très) longue séquence sèche et chaude, lorsque la température des sols déshydratés est à son maximum, que le retour de la pluie déclenche le fameux "choc thermique", ce brutal refroidissement du sol indispensable au processus de fructification du mycélium sur lequel il agit comme un coup de semonce. Le choc thermique peut se doubler d'un "choc hydrique" si la pluie qui l'induit est suffisamment abondante. Et on observe parfois des "chocs thermiques inversés" lorsque, comme en ce mois d'octobre 2015, des pluies viennent réchauffer des sols trop refroidis par des semaines de vent de nord et de rayonnement nocturne, permettant ainsi un redémarrage de l'activité mycélienne.

La quantité de pluie tombée, généralement en cumul, détermine l'intensité de la pousse consécutive. En faisant là encore toute leur part aux terroirs, aux différents types de sols, 50 mm (s'abaissant parfois à 40 en s'enfonçant dans l'automne) est considéré comme le seuil minimum nécessaire et suffisant à une grande pousse. Cette valeur peut être largement dépassée mais sera d'autant plus efficiente qu'elle sera réalisée en moins de 10 jours, une semaine étant l'idéal. S'agissant de cumuls très supérieurs à 50 mm, ils peuvent s'avérer contreproductifs s'ils sont réalisés dans un délai trop court... Je me souviens d'une trombe terrestre survenue en Gascogne les 8 et 9 août 1992, générant 120 mm de pluie dans mon pluviomètre en 36 heures. Malgré des conditions ultérieures favorables (températures modérément chaudes pour un mois d'août et temps variable) il n'y avait quasiment pas eu de cèpes et l'automne s'était avéré misérable. Inversement, les 120 mm tombés début septembre 2006, essentiellement en deux orages espacés de moins d'une semaine, au sortir d'une période de temps très chaud, avaient généré la plus prodigieuse poussée de cèpes du 21ème siècle commençant dans mes terroirs. C'est dire si la question du dosage est important. Même sans arrosage ponctuel important "noyant" le mycélium une séquence de temps trop humide (pluies modiques mais très fréquentes), frais et faiblement ensoleillé, peut semer la déception dans le panier. En l'absence de réalisation du quota des 50 mm, ce qui fut le lot de mes coteaux cet automne, on s'aperçoit que des arrosages plus modestes, répétitifs mais régulièrement interrompus par deux à quatre jours de temps sec, ensoleillé et doux, favorisent une pousse de cèpes aléatoire, faible à modérée, qui peut s'installer parfois plus d'un mois avec des petits pics et des creux au gré des apports d'eau. Ce genre de configuration de pousse avantage les connaisseurs au détriment des occasionnels car il faut mériter ses cueillettes...

En oûtre, l'impact de la pluie sur la production mycélienne varie considérablement en fonction des saisons et du type d'écosystèmes. Au faîte de l'été des pluies importantes peuvent générer de fortes pousses de cèpes dans les bas-fonds frais de préférence en versant nord, dans les vallées des cours d'eau et les étendues boisées très denses, tout milieu susceptible de conserver l'humidité plus longtemps, tandis que les hauteurs et les sylves bien exposées peineront à produire quelques cèpes, juillet 2011 et 2014 constituant deux contrexemples remarquables dûs à la fraîcheur des températures et à un très faible ensoleillement. À l'inverse, en début de saison mais plus sûrement en avançant dans l'automne, à quantité de pluie égale, les cèpes tendront à délaisser progressivement les bas-fonds pas encore assez chauds ou devenus trop froids pour gagner les bordures, les crêtes et les bois généreusement ensoleillés. Bien entendu ceci n'est que la synthèse de mes observations trentenaires et fort heureusement les choses sont souvent infiniment plus complexes in situ.

La rosée, un petit supplément précieux mais trop peu (re)connu...

Lorsque les bienfaits des dernières pluies s'estompent et que de nouvelles tardent à prendre le relai, au fur et à mesure que la durée du jour raccourcit et que la course du soleil s'incline vers l'horizon, la rosée et les brouillards matinaux viennent parfois sauver une pousse naissante ou prolonger celle en cours, en garantissant aux écosystèmes ce supplément d'humidité nécessaire et généralement suffisant au labeur du mycélium en fin de saison. Ceci est particulièrement vrai pour les cèpes venant en lisière où la végétation au sol conserve mieux les apports d'eau et les cèpes de Bordeaux de la mi-octobre à Noël sous les feuilles mortes...

Adishatz !

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